vendredi 9 novembre 2012

Nouveautés Automne 2012!

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Nous avons rentré plusieurs nouveautés "nordiques" ces dernières semaines. 
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Signalons l'arrivée du douzième volume de l'anthologie internationale š!, publiée par l'éditeur kuš! (que nous avions interviewé ici). Ce recueil réunit à nouveau de jeunes talents de Lettonie et des quatre coins du monde autour d'un thème qui est cette fois-ci intitulé "Future 2.0". Notons la présence de notre compatriote Nicolas Zouliamis, auteur de l'album La volupté d'hectopascal à La Cinquième Couche (mais aussi de la talentueuse Julie Delporte). L'éditeur letton nous propose également quatre nouveaux mini kuš! (toujours en anglais ou "sous-titrés" anglais).
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Le recueil Bendik Kaltenborn vous veut du bien de l'auteur norvégien Bendik Kaltenborn est paru aux éditions Atrabile. Pour rappel: "Dans ce beau volume tout en couleurs, rempli d'histoires courtes (qui vous veulent du bien), Bendik Kaltenborn exhibe dans une forme chatoyante et sans aucune retenue un sens de l'humour absurde et loufoque, parfois même franchement déroutant, voire carrément ravageur quand il s'en prend à ses victimes de prédilection, les hommes d'affaires foireux et les chefs d'entreprise énervants".
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La maison d'édition Cambourakis nous propose Glimt de la danoise Rikke Bakman. Cette dernière utilise une citation de Louise Bourgeois pour ouvrir son livre: "Mon enfance n'a jamais perdu sa magie. Elle n'a jamais perdu son mystère, ni son drame". Rikke Bakman parvient également à conserver l'intensité de ses souvenirs d'enfance tout au long de ce bel ouvrage!
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Signalons aussi que l'éditeur Rackham a annoncé la parution en janvier de l'anthologie annuelle Finnish Comics dans une version française sous le titre La Bande Dessinée Finlandaise 2013 (en collaboration avec la Finnish Comics Society). On y retrouvera, entre autres, les auteures Terhi Ekebom, Anna Sailamaa et Amanda Vähämäki!
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La maison d'édition belge La Cinquième Couche annonce également la parution de deux nouveaux ouvrages d'origine finlandaise dans son catalogue début 2013 avec Le quart livre de M. Espoir de Tommi Musturi (12 avril) et Sois sage maintenant d'Anna Sailamaa (15 février). A suivre! [Nicolas Verstappen]

jeudi 8 novembre 2012

Capsule nordique: Amanda VÄHÄMÄKI (& le FRMK)

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Durant l'émission GrandPapier Radio du 24 octobre 2012, nous avons diffusé la "capsule nordique" dédiée à Amanda Vähämäki, une auteure finlandaise qui nous est présenté par Thierry Van Hasselt et Eve Deluze, deux membres de la plate-forme d'édition Fremok où furent édités les ouvrages Campo di baba et La fête des mères.
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Pour écouter la "capsule nordique", cliquer sur ce lien.

mardi 6 novembre 2012

Chronique: "Papa est un peu fatigué" de Ville Ranta

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Papa est un peu fatigué de Ville Ranta 
Sa femme ayant repris ses études, Ville Ranta doit s'occuper seul de sa jeune fille, Fiinu, à la santé fragile. Papa est un peu fatigué, récit autobiographique profondément touchant et juste, dépeint le quotidien d'un homme déboussolé et aux prises avec ses obligations familiales et son métier de dessinateur. "Ce livre révèle un créateur à fleur de peau, tout entier dévoué à son art. De ceux qui se font rares." Superbe !!! [Philippe Vanderheyden]
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Papa est un peu fatigué de Ville Ranta chez Cà et Là, 2006
Présentation sur le site de l'éditeur: ICI

vendredi 5 octobre 2012

Capsule nordique: Ville RANTA (& Cà et Là)

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Durant l'émission GrandPapier Radio du 26 septembre 2012, nous avons diffusé la "capsule nordique" dédiée à Ville Ranta, un auteur finlandais qui nous est présenté ici par Serge Ewenczyk, son éditeur français pour les albums Papa est un peu fatigué et L'Exilé du Kalevala chez Cà et Là.
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Pour écouter la "capsule nordique", cliquer sur ce lien.

Chronique: "Les Sentiments du Prince Charles" de Liv Strömquist

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Les Sentiments du Prince Charles de Liv Strömquist 
S'inspirant de faits biographiques (la vie de Whitney Houston, Lady Di, Nancy Reagan...), historiques ou culturels, Liv Strömquist questionne les relations homme-femme, la signification actuelle donnée au sentiment amoureux et mène une charge en règle contre le sexisme dans les sociétés occidentales. L'auteure suédoise livre une bande dessinée ironique et corrosive, captivante et engagée, posant la question: la relation amoureuse ne serait-elle qu'une cage créée par les hommes pour maintenir les femmes dans un état de dépendance et de soumission? [Philippe Vanderheyden]
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Les Sentiments du Prince Charles de Liv Strömquist chez Rackham (Le Signe Noir), 2012
Présentation sur le site de l'éditeur: ICI

vendredi 10 août 2012

Capsule nordique: Marko TURUNEN & le FRMK

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Dans l'émission GrandPapier Radio du 25 avril 2012, William Henne, auteur et éditeur à la Cinquième Couche, nous parlait du travail du finlandais Tommi Musturi
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Dans l'émission du 23 mai 2012, c'est au tour d'Eve Deluze et Thierry Van Hasselt, éditeurs au  FRMK, de présenter le travail de l'auteur finlandais Marko Turunen  au travers de ses nombreux ouvrages parus dans leur catalogue.

Bientôt: Kaltenborn chez Atrabile et monographie Sormunen chez Nobrow...

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Le recueil Bendik Kaltenborn vous veut du bien de l'auteur norvégien Bendik Kaltenborn est annoncé (en français) aux éditions Atrabile  pour le 22 octobre 2012. "Dans ce beau volume tout en couleurs, rempli d'histoires courtes (qui vous veulent du bien), Bendik Kaltenborn exhibe dans une forme chatoyante et sans aucune retenue un sens de l'humour absurde et loufoque, parfois même franchement déroutant, voire carrément ravageur quand il s'en prend à ses victimes de prédilection, les hommes d'affaires foireux et les chefs d'entreprise énervants". A suivre de près!
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Big Mother 3, le troisième opus de la collection grand format dédiée aux nouveaux talents de l'illustration, sera consacré à l'artiste finlandaise Riikka Sormunen. Parution aux éditions NoBrow ce 15 novembre 2012. Un beau livre en perspective!

Baltic Comics magazine š! #11 (kuš!)

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L'éditeur letton kuš! nous propose déjà le onzième numéro de leur revue š!. Toujours en anglais et dans le même format que les trois numéros précédents (dont le neuvième qui remporta le Prix de la Bande Dessinée alternative à Angoulême), ce volume est centré sur le thème de la créativité artistique sous le titre de "Artventurous". Sous une très belle couverture de l'artiste letton Leonards Laganovskis, on y retrouve une nouvelle fois de nombreux jeunes auteurs talentueux et prometteurs venus de Lettonie (dont Oskars Pavlovskis ou Mārtiņš Zutis) et des quatre coins du monde comme l'américaine Aidan Koch, l'espagnol Ilde Betanzos, notre ami Olive Booger ou notre compatriote Brecht Vandenbroucke. Présentation sur le site de l'éditeur: ICI.
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L'ouvrage est disponible dans notre librairie au prix de 9.00€.

dimanche 20 mai 2012

Chronique: "La Fêtes des Mères" d'Amanda Vähämäki

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La Fête des Mères d'Amanada Vähämäki 
Les éditions Fremok nous permettent de découvrir un nouvel ovni en provenance de Finlande: La Fête des Mères. Attachée au monde de l'enfance et à ses fantaisies, Amanda Vähämäki nous raconte l'histoire étrange de deux enfants vivant sur une île coupée du reste du monde et qui découvrent une télécommande leur permettant de voyager dans le temps... La Fête des Mères, c'est un univers magnifique, coloré et lumineux au service d'un récit inventif et onirique. [Philippe Vanderheyden]
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A lire également:
Une chronique de cet ouvrage par Jessie Bi sur le site du9: ICI

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La Fête des Mères d'Amanda Vähämäki chez Fremok, 2009
Présentation sur le site de l'éditeur: ICI

mercredi 2 mai 2012

Chronique: "L'amour au dernier regard" de Marko Turunen

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L'amour au dernier regard de Marko Turunen
R-raparegar, une femme dotée de super-pouvoirs, découvre dans une baignoire un jeune Intrus blessé par deux cowboys de l'Ouest sauvage... Mais ces deux personnages vivent le temps dans des directions opposées: alors qu'Intrus vit de la naissance à la mort, R-raparegar vit de sa mort jusqu'à la naissance!

L'amour au dernier regard, émouvante histoire d'amour "où s'efface la frontière entre fantastique surréaliste et chronique intimiste", est le troisième volet d'une trilogie (avec "Base" et "La mort rôde ici") dans laquelle l'auteur finlandais Marko Turunen a forgé un univers à nul autre pareil, aussi déroutant qu'innovant. A découvrir !!! [Philippe Vanderheyden]

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L'amour au dernier regard de Marko Turunen chez Fremok, décembre 2005
Présentation sur le site de l'éditeur: ICI

Radio GrandPapier: émission spéciale "Bande Dessinée nordique"

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Radio GrandPapier a consacré une heure d'émission à la Bande Dessinée nordique ce 28 mars 2012. Philippe Vanderheyden y retrace les grandes lignes de l'histoire de la Bande Dessinée scandinave, Stéphane Noël y parle des spécificités esthétiques locales, Vincent Degrez y évoque la "Swedish Invasion" aux Etats-Unis et Nicolas Verstappen y présente la maison d'édition lettone kuš!. Cette émission est en ligne (et téléchargable en podcast) sur cette  page.    

Durant les prochains mois, Radio GrandPapier proposera également des "capsules audio" dans lesquelles des éditeurs francophones présenteront un auteur scandinave traduit dans leur catalogue. Dans l'émission du 25 avril 2012, William Henne, auteur et éditeur à la Cinquième Couche, nous parle ainsi du travail du finlandais Tommi Musturi . Les "capsules" sont disponibles ICI.

Nouvelles parutions (avril 2012)

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Trois nouvelles anthologies de bandes dessinées "nordiques" sont parues ces derniers mois.

En français, chez Les Requins Marteaux, vous trouverez l'ouvrage Rayon Frais: Anthologie de la Bande Dessinée Suédoise (avec des récits de Joanna Hellgren, Anneli Furmark, Gunnar Lundkvist et une trentaine d'autres auteurs). Présentation sur le site de l'éditeur: ICI.

L'éditeur letton kuš! nous propose le dixième numéro de leur revue š!. Toujours en anglais et dans le même format que le neuvième numéro qui remporta le Prix de la Bande Dessinée alternative à Angoulême, ce volume est centré sur le thème de la mer. On y retrouve de nombreux auteurs lettons (dont Rūta Briede) et internationaux comme l'italien Andrea Bruno, les américains Box Brown et Noah Van Sciver, l'anglais Richard Short ou notre compatriote Martha Verschaffel). Présentation sur le site de l'éditeur: ICI.

L'éditeur américain Fantagraphics a publié de son côté l'anthologie Kolor Klimax: Nordic Comics Now réunissant quelques grandes figures de la Bande Dessinée nordique dont Joanna Hellgren, Tommi Musturi, Ville Ranta, Aapo Rapi, Jenni Rope ou encore  Bendik Kaltenborn. Présentation sur le site de l'éditeur: ICI.

mardi 27 mars 2012

Entretien Nørdix: JASON

"Autoportrait" de Jason pour le quatrième de couverture de "Athos en Amérique" (Carabas, 2012)
Il serait difficile de parler de la Bande Dessinée scandinave sans évoquer le travail de l'un de ses plus illustres représentants. L'oeuvre de l'auteur norvégien Jason est aujourd'hui reconnue à travers le monde et, au-delà de ce succès critique, ne cesse d'inspirer et d'influencer de nombreux auteurs. Ses récits mettent en scène des personnages à visage animalier dans des situations souvent drôles et décalées mais surtout empruntes d'une grande sensibilité voire d'une profonde mélancolie. Ils  nous plongent dans un univers unique et personnel et nous font voyager par tout le spectre des émotions.
Les qualités majeures de son travail résident dans une grande économie graphique et narrative mais également dans sa maîtrise parfaite du découpage. Son sens de l'ellipse fait mouche à chaque fois tant dans les séquences dramatiques que burlesques.
Ses livres sont traduits en anglais chez le prestigieux éditeur américain Fantagraphics et en français par les éditeurs Atrabile (CHHHT!, Le Char de Fer, Mauvais Chemin, Dis-moi quelque chose et Attends...), Carabas (Je vais te montrer quelque choseJ'ai tué Adolf HitlerHemingway, Le dernier mousquetaire, Athos en Amérique) et Glénat (L'Île aux cent mille morts avec Fabien Vehlmann).
Nous avons réuni dans ce post deux interviews avec Jason. Le premier a été réalisé en 2002 pour le livret d'entretiens Totem (réunissant des réflexions sur l'utilisation des personnages à visage animalier dans la bande dessinée). Le second interview fut réalisé en 2005 pour le site XeroXed


Quelques originaux de Jason présentés durant l'exposition "Ombres Croisées" à la librairie Multi BD (un original de "Samedi et Dimanche" par Gwen de Bonneval figure également sur cette photographie). 

ENTRETIEN AVEC JASON: PREMIERE PARTIE (2002)

Nicolas Verstappen : Dans un article consacré à la bande dessinée scandinave (1), j’ai pu lire que les bandes dessinées de Donald Duck était un véritable best-seller en Norvège.

Jason: 
Oui, tout à fait.

NV: Il y a des clubs de « donaldistes » et même un ouvrage qui leur est consacré. Donald a-t-il une si forte importance dans la culture norvégienne ?

Jason:
Oui. Donald est encore très populaire maintenant. Sa revue hebdomadaire se vend à des quantités incroyables. C’est un tirage d’à peu près 250 mille exemplaires par semaine. Presque tout le monde lit Donald Duck durant son enfance.

NV: Est-ce que ce phénomène a un lien avec ton propre travail ?

Jason: Non. Je n’ai jamais vraiment lu les Donald Duck lorsque j’étais enfant même si tous les autres le faisaient. J’ai une sœur aînée qui lisait des bandes dessinées de western. Le titre anglais de ces albums était The Silver Arrow. C’était un homme blanc vivant parmi les indiens. L’histoire n’était pas très bonne mais elle me fascinait totalement.

NV: Tu m’as aussi dit qu’enfant tu lisais beaucoup d’aventures de super-héros comme Batman (2) ou Spiderman.

Jason: Oui, je les ai découverts dans cet ordre. D’abord Silver Arrow, puis Batman puis Spiderman.

NV: Dans ton ex-libris pour notre librairie [Multi BD], c’est le « spider-sense » qui fait fuir ton personnage ?

Jason:
Non, là c’est plutôt un code emprunté aux albums de Tintin.


Sur son blog, Jason a présenté cette planche de l'album "Le Lotus Bleu" face à l'une de ses planches extraite de "Dis-moi quelque chose" (Atrabile).
NV: Ces derniers t’ont fort influencé ?

Jason: En fait, les albums de Tintin étaient beaucoup plus importants pour moi que les super-héros. Je regarde ces derniers avec nostalgie mais Hergé a une influence plus marquante.
NV: Ainsi que Lewis Trondheim ?

Jason: Oui, il est aussi une influence importante. J’ai commencé à dessiner des personnages animaliers et j’ai ensuite découvert son travail. Pour moi, il m’a vraiment montré comment raconter des histoires avec des animaux. Son type de récit et son style de dessin m’ont fort attiré. Des dessins plus réalistes comme Canardo ne m’intéressent pas autant. Découvrir Trondheim et Fabio fut quelque chose d’important pour moi.

NV: Est-ce que le dessin animalier est fort ancré dans la tradition norvégienne ? On retrouve de nombreuses représentations d’hommes à têtes d’ours (berserk) ou à têtes de loup dans les artefacts vikings.

Jason: Non, pas tellement. C’est vrai que des animaux comme les ours et les renards ont une certaine importance mais plutôt dans l’imagerie des contes de fées norvégiens. Il me serait assez difficile de dire si ces derniers m’ont influencé. Je pense que des personnages de bande dessinée ont eu plus d’impact sur moi.

NV: A quel moment t’es-tu orienté vers des personnages à visages animaliers ?

Jason:
Le premier album que j’ai fait était dans un style très différent de mon style actuel. Il était dessiné de manière très réaliste. Puis, avec la parution de ma propre revue (Mjau Mjau), j’ai tenté d’expérimenter de nouveaux styles. J’en suis arrivé à dessiner des personnages à visages animaliers plus proches du cartoon. Ça m’a plu. C’était aussi plus facile et je pouvais dessiner plus vite. Je pense que c’est pour cela que je me suis orienté dans cette direction.

NV: Cette facilité que t’offrait ce style est-elle liée au fait que tu improvises tes histoires au fil du dessin ? La rapidité d’exécution te permet de suivre plus facilement le cours de tes idées ?

Jason:
Je ne pense pas que ce soit la raison principale. Pour moi, les dessins ont la même importance que les mots. Je dois donc les aborder simultanément ; je ne sais pas écrire le scénario avant de commencer à dessiner.

NV: Est-ce que tu transposes ces visages animaliers dans la réalité ? Est-ce que tu croises les gens dans la rue en te disant : « Celui-ci serait plutôt un oiseau et celle-là un lapin » ?

Jason: Non. C’est juste au niveau de mes dessins. Je ne perçois pas ces « qualités » animalières dans les personnes qui m’entourent. C’est au hasard que j’attribue tel ou tel visage à un personnage.

NV: Mais dans une enquête policière (3), tu as attribué un visage de chien à un détective.

Jason:
Oui, là c’était effectivement calculé. Mais c’est aussi l’exception.

NV: Tu te donnerais quel visage ?

Jason: Celui d’un chat, je pense. Je n’ai pas d’animal de compagnie mais je préfère les chats. Par contre, je n’aime pas les chiens. Les chats sont plus « indépendants », c’est ce que j’aime chez eux.

NV: Dans son entretien pour Totem, Joann Sfar parle de l’exclusion à la parole des hommes qui provoque le besoin de revêtir une forme animale. C’est quelque chose que tu partages ?

Jason: Je trouve l’idée très intéressante mais je ne l’ai jamais vraiment approfondie.

NV: Tu considères que les personnages à visages animaliers créent une identification plus forte pour le lecteur ?

Jason: Oui, totalement. Je pense que c’est pour cette raison que des personnages comme Donald Duck ou Mickey Mouse sont si populaires. C’est si facile pour le lecteur de s’identifier à eux. Les personnages animaliers sont universels. C’est ce qui est à la base de leur popularité.

NV: Penses-tu que le lecteur accepte plus de choses lorsque les personnages sont animaliers ? Dans Chhht ! , une météorite s’écrase sur ton personnage principal. Dans Attends…, un ptéranodon s’empare du cerf-volant. Ce sont des séquences que le lecteur continue d’accepter car il peut se dire : « C’est normal, de toutes façons, ils ont bien des têtes d’animaux ! ». Cela n’offre-t-il pas plus de liberté à ta narration ?

Jason: Oui, sans doute. Tu te retrouves avec des animaux qui parlent et se comportent comme des êtres humains. Si tu acceptes ça, tu acceptes plus facilement le reste aussi.

NV: Cette utilisation de personnages animaliers permet donc de parler de problèmes « humains » et même de sujets durs parce qu’ils se comportent comme des humains mais avec une narration moins contraignante.

Jason: C’est une chose à laquelle j’ai beaucoup pensé. Je pense que Scott McCloud en parle très bien dans Understanding Comics (4). Moins il y a de signes pour décrire un visage, plus l’identification sera forte. Avec ce genre de dessins très simples, il est plus facile d’aborder des sujets fort variés. Je pense que si tu utilises un style fort réaliste, cela peu distraire l’attention de ton lecteur.

NV: Il risque de faire moins attention au fond ?

Jason: Je pense, oui. C’est ce à quoi il faut faire attention avant même de décider si l’on choisit des personnages animaliers ou humains.

NV: Tu ne crains pas que des lecteurs ne s’intéressent pas à ton travail parce que tu utilises des personnages animaliers ? Qu’ils le jugent « enfantin » et ne s’intéressent pas au fond ?

Jason: Peut-être mais je pense que le lecteur oublie vite qu’il est face à des personnages animaliers. Au bout de quelques pages, il les accepte comme de véritables personnes.

NV: Pourquoi dans tes albums, les personnages hommes et femmes vont par espèce ? Les oiseaux forment des couples ensemble mais ne se mélangent pas avec les chiens. Dans les Donjons Crépuscule, les chats et les oiseaux se mélangent pour créer des espèces hybrides. Est-ce quelque chose de culturel ?

Jason: Les mariages mixtes en Norvège ne sont pas courants. Mais le principe de mes albums n’est pas lié au concept des races.

NV: C’est plutôt l’idée de « trouver sa moitié » ou son « âme sœur » que tu exprimes là ?

Jason: Oui, c’est cela. Ce ne sont pas des ethnies que je représente par telle ou telle espèce animale. C’est plus une image du couple qui me semble juste.

NV: Dans ton monde animalier, on retrouve aussi un squelette, un ange et un démon. Si on rassemble le squelette, l’ange, le démon et l’animal, on pourrait reconstituer un être humain complet. L’idée est là ?

Jason: C’est une belle façon d’exprimer la chose mais je ne crois pas. Du moins, je n’en ai pas conscience. Je n’analyse pas mes histoires après les avoir écrites. L’ange et le démon sont des figures qui sont venues d’elles-mêmes.

NV: Elles sont assez proches de l’ange et du démon qui torturent Milou.

Jason: Oui.

NV: Est-ce que tu es plus attiré par des récits avec des personnages animaliers comme Fritz the Cat, Maus, Lapinot,… ? Est-ce que tu les apprécies plus que d’autres à cause de l’aspect animalier ?

Jason: Non, ce qui m’intéresse avant tout c’est d’avoir un bon récit.

NV: Dans Chhht !, qu’est-ce qui est venu en premier : le nid ou l’oiseau ?

Jason: Le personnage de l’oiseau est venu en premier. Je voulais qu’il soit d’abord fort proche de l’oiseau puis qu’il se retrouve dans une toute autre situation. L’idée de « changer » est importante. Toute cette histoire parle principalement de cela.

NV: Comme quelque chose d’initiatique ?

Jason: Oui. Je voulais qu’il commence son aventure hors de la ville puis qu’à la fin de l’histoire il veuille en sortir et retrouver ses racines.

Une planche pour "Attends..." (Atrabile) non reprise dans l'album.
NV: Est-ce qu’il y a un rapprochement à faire avec ta propre vie ? Après la France, tu t’installes à Liège puis à Bruxelles et bientôt à Paris mais entre chaque voyage tu retournes en Norvège.

Jason: Non, pas tellement. J’ai écrit cette histoire il y a trois ans et cela ne fait qu’un an que je voyage autant. C’est une coïncidence.

NV: J’ai le sentiment que dans tes albums les animaux représentent des hommes qui ne sont jamais à leur place. Dans le Comix 2000 (5), ton personnage errant se réveille dans une maison alors qu’il s’était endormi à la belle étoile. Dans Chhht !, tes oiseaux ont besoin d’une flûte pour chanter et d’un avion pour voler. Ton univers est toujours décalé.

Jason: Oui. Je pense que le modèle de vie qui nous est inculqué est basé sur la réussite et le salaire. Dans ce système, je n’ai jamais trouvé de travail qui me convenait. Par contre, en tant qu’artiste, on se retrouve en dehors de ce système. Quelque part, on a un regard différent sur cette société.

NV: Chhht ! présente une sorte de condition de l’artiste ?

Jason: Je pense plutôt qu’Attends… et Chhht ! parlent de l’idée de « grandir », de continuer plus avant. Le voyage fait partie de ça. Avec une certaine distance, il est plus facile de regarder ce qu’il y avait derrière nous. A cet instant, tu as le choix de revenir en arrière. Tu as le choix de continuer ou de retourner et c’est une partie importante de la croissance. Enfin, je ne sais pas trop ce que je suis en train de te dire maintenant. (Rires) (6).

Adaptation théâtrale de "Attends...".

ENTRETIEN AVEC JASON: SECONDE PARTIE (2005)

NV: Comment en es-tu venu à te lancer dans l’album « grand format cartonné couleurs » comme Je vais te montrer quelque chose et Hemingway?

Jason: Je désire vivre de mes bandes dessinées et pas seulement en faire un hobby ; il se trouve que ce n’est pas aisé avec une production de petits albums en noir et blanc. J’avais envie de toucher un public plus large et il y avait aussi un défi dans la création d’un album traditionnel à 48 pages du même type que ceux avec lesquels j’ai grandi.

NV: Le découpage de Je vais te montrer quelque chose révèle bien ce rapport aux albums traditionnels. Chaque planche est découpée en quatre bandes horizontales d’une hauteur égale. Kevin Huizenga (7) évoque cette approche sous le nom de « méthode Tintin ». Partages-tu cette référence ?

Jason: Tout à fait. Cela est entièrement dû à Tintin. Je voulais essayer au moins une fois cette méthode. Je vais te montrer quelque chose est beaucoup plus proche des bandes dessinées franco-belges classiques que mes récits précédents et j’ai emprunté ce système pour cet album. Dans mon second album, je suis revenu à mon ancienne méthode. Hemingway est aussi en couleurs mais il est plus proche de mes anciens travaux.

NV: Tu y retrouves en effet ton découpage en cases égales. Ce système du « gaufrier » t’est venu naturellement ou t’a-t-il fallu du temps avant de l’adopter ?

Jason: J’aime la grille. Comme j’avais utilisé le style franco-belge dans mon album précédent, je désirais la retrouver mais avec neuf cases au lieu de six. J’ignore pourquoi mais elle m’attire. Elle annonce que tout est dans le récit et non pas dans un découpage fantaisiste.

NV: A-t-il été difficile de faire publier Hemingway et Je vais te montrer quelque chose ?

Jason: J’ai rencontré quelques difficultés à trouver un éditeur. J’ai écrit le scénario, dessiné les dix premières planches et envoyé le dossier un peu partout mais sans réponse. J’ai ensuite rencontré Jérome Martineau (8) à San Diego et il s’est montré intéressé par mon projet. J’ai donc dû aller aux Etats-Unis pour trouver un éditeur français.

NV: Tu n’as pas réalisé la colorisation des deux albums publiés chez Carabas. Correspond-elle à tes attentes ?

Jason: Je suis très content du résultat. Hubert a fait un travail bien supérieur à celui que j’aurais pu réaliser. Cela tient à une raison bien simple: je n’y connais rien à la colorisation par ordinateur et c’est l’effet d’aplat qui lui est propre que je recherchais.

NV: Cette colorisation t’a poussé à modifier ton approche du dessin ?

Jason: Oui. Une chose que j’ai apprise en travaillant sur ces albums colorisés c’est qu’il faut « clore » toutes les lignes. Cela facilite le travail du coloriste. Dans un album noir et blanc, j’utilise plus de noir pour illustrer par exemple un ciel de nuit. Dans un album en couleurs, je laisserai ça au coloriste.

NV: Une autre contrainte que tu as rencontrée avec Je vais te montrer quelque chose tenait de l’écriture préalable du scénario pour monter le dossier. Tu as plutôt l’habitude d’improviser le récit au fil des planches que tu dessines. Cela t’a semblé être une contrainte difficile ?

Jason: Oui, cela n’a pas été évident. Faire tenir l’histoire dans le format spécifique des 46 planches a aussi été un travail supplémentaire. Hemingway par contre a été écrit selon une méthode plus proche de l’ancienne. J’ai conçu la première moitié avec seulement une idée générale de la seconde. Je ne découpe les planches que par série de huit ou dix à la fois. Si j’avais préalablement résolu les problèmes de découpage et de narration de tout l’album, je m’ennuierais.

NV: Tu sembles avoir une grande liberté de création sur Hemingway. L’éditeur te fait toute confiance ?

Jason: Je n’ai pas dû montrer l’entièreté du scénario à Jérome. Je lui ai seulement envoyé les dix ou quinze pages de script pour qu’il les traduise. Je me sens vraiment libre d’écrire le type de récit que j’ai envie de raconter. On ne m’a jamais dit : « Non, tu ne peux pas faire ça ».

Première version de la couverture de "Hemingway" (sous le titre de travail "Demain peut-être") et version définitive (Carabas).

NV: Avant d’être baptisé Hemingway, l’album portait le titre de « Demain, peut-être ». Pourquoi cette modification de dernière minute ?

Jason: Je n’ai jamais vraiment été satisfait par « Demain, peut-être » et je voulais un autre titre. Je pense que ce titre aurait pu correspondre mais je préfère Hemingway. Ce nom à lui seul crée toutes sortes d’associations à la violence et aux durs à cuire. Je crois que cela correspond donc bien à l’album. De plus Hemingway est le personnage principal !

NV: Le récit de Je vais te montrer quelque chose se déroule à Bruxelles, celui d’Hemingway à Paris. Est-ce important pour toi de faire référence à des villes bien précises ?

Jason: En quelque sorte. Pour le premier je voulais que l’histoire prenne place dans une ville française ou belge. Il se trouve que j’habitais à Bruxelles à l’époque. J’aime l’idée de vivre un temps dans une ville et d’utiliser ensuite cette expérience dans une bande dessinée. Ainsi Hemingway se déroule à Paris où j’ai aussi vécu et je veux faire un album qui aurait Montpellier comme décor car c’est la ville où je vis actuellement.

NV: Comment envisages-tu ta future production ? Comptes-tu travailler selon un principe d’alternance entre des albums noirs et blancs et des albums couleurs ?

Jason: Oui, j’aimerais bien. Je viens de terminer un album noir et blanc pour Atrabile et j’ai une idée pour un autre album du même type. Mais pour le moment je me consacre au prochain album couleurs. Comme je l’ai dit, il y a plus de rentrées pour les albums couleurs…

NV: Fantagraphics Books a aussi publié Meow Baby dont il n’existe pas de version française. Celle-ci verra-t-elle le jour ?

Jason: J’espère. Soit par Atrabile, soit par Carabas.

NV: Il existe aussi la compilation Mitt Liv som Zombie qui regroupe des récits parus dans ta revue Mjau Mjau. Penses-tu un jour tenter une version française de cet album ou crains-tu que ton lectorat franco-belge ne se retrouve pas dans ces histoires au style graphique fort différent de ce qu’il connaît ?

Jason: Si un éditeur est intéressé, je n’ai rien contre. Je supprimerais le matériel le plus ancien et le plus faible mais le recueil ferait encore une centaine de pages.

NV: Les couvertures des éditions étrangères de tes albums sont fort différentes. La couverture américaine de Chhht ! (Fantagraphics) est en couleurs directes mais celle de la version française est beaucoup plus sobre. Je suppose que tu as réalisé cette dernière pour rester dans le ton des maquettes d’Atrabile. Aurais-tu préféré réaliser une couverture en couleurs directes ?

Jason: Le problème des couvertures en couleurs directes tient du fait que la version imprimée ne correspond presque jamais à l’original. Il y a toujours une différence. Les couleurs sont plus vives ou plus ternes. Avec un dessin fait au trait noir et avec une seule couleur, le résultat est toujours plus proche de ce que je me suis figuré mentalement. Le deuxième tirage de Chhht ! aux Etats-Unis sera modifié. Il sera identique à la version francophone et plus aucune des couvertures américaines ne sera en couleurs directes.

Première couverture en couleurs directes de "Chhht!" pour l'édition américaine par Fantagraphics puis couverture de l'édition française par Atrabile et enfin nouvelle couverture pour la seconde édition américaine.   

NV: Une dernière question pour conclure : si tes albums de 46 planches étaient un défi créatif en référence aux bandes dessinées classiques, le prochain ne serait-il pas de tenter une série ?

Jason: Oui, je veux faire une série mais jusqu’à présent je n’ai eu que des idées pour des histoires en un volume. La fin est très importante pour moi et elle est très importante pour l’histoire. Une histoire ne peut pas durer indéfiniment. Mon problème est donc de trouver un personnage que j’aime et qui pourrait cadrer dans plusieurs récits.

NOTES:
(1) VAINIO, Pasi, "Lettre de Scandinavie (2) : Norvège, Islande et Danemark" in : Les Cahiers de la Bande Dessinée, n°64, juillet-août 1985. Jason m’a signalé que pour le reste, l’article n’était plus d’actualité car la Norvège est devenue en dix ans l’un des nouveaux pôles de la bande dessinée scandinave.
(2) Voir Attends... planche 13. Les vingt premières planches de l’album sont toutes autobiographiques à une ou deux exceptions.
(3) JASON, "Jernvognen" (partie 1), in : Mjau Mjau n°11, Jippi Forlag, 2001.
(4) McCLOUD, Scott, Understanding Comics: the invisible Art, Paradox Press, 1993. Version française éditée par Delcourt sous le titre L’Art Invisible.
(5) Le Comix 2000 est un album hors-collection de l’Association qui regroupe 324 auteurs de 29 pays sur 2000 pages muettes en noir et blanc, 1999.
(6) Nous n’en étions effectivement plus à notre premier verre…
(7) Kevin Huizenga est l’auteur de Malédictions chez Vertige Graphic. Son entretien est disponible sur XeroXed.
(8) Jérome Martineau est le directeur de publication des éditions Carabas

EN COMPLEMENT:
Signalons également plusieurs autres entretiens avec Jason sur la toile:
 Par Fred pour Benzine Mag en 2003.
Par Mathieu Laviolette-Slanka pour Evene.fr en 2007.
Par LJ Douresseau pour Comic Book Bin (en anglais) en 2004.
Par Brian Heater pour The Daily Cross Hatch (en anglais) en 2009.
Par Dan pour The Casual Optimist (en anglais) en 2011.

CREDITS:
Première partie: entretien réalisé avec Jason le vendredi 27 avril 2002 à Bruxelles autour de quelques bonnes bières belges du Bier Circus - traduit de l’anglais - publié dans le recueil Totem en 2004 - copyright Jason/Nicolas Verstappen
Seconde partie: entretien réalisé par courrier électronique en novembre 2005 - copyright Jason/Nicolas Verstappen

dimanche 11 mars 2012

Chronique: "Klas Katt" de Gunnar Lundkvist

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Klas Katt de Gunnar Lundkvist
Klas Katt et son ami Olle sont des inadaptés sociaux, des misanthropes au grand coeur à la recherche d'un peu de chaleur humaine et de leur place dans une société écrasée sous le poids du travail et de la réussite. Ces deux personnages, profondément mélancoliques, tentent de sortir de leur léthargie et se débattent "mollement" pour donner, malgré tout, un sens à leur vie absurde.
Par son existentialisme désespéré, son minimalisme graphique et son humour cinglant, Klas Katt rappelle les meilleures bandes dessinées de Jason, Tommi Musturi ou encore les films d'Aki Kaurismaki. Travail précurseur et livre culte, Klas Katt est l'un des premiers bijoux scandinaves à avoir été traduit en français.   [Philippe Vanderheyden]

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Klas Katt de Gunnar Lundkvist à l'Association, novembre 2001

samedi 25 février 2012

"L'exilé du Kalevala" et "Suite Paradisiaque" de Ville Ranta

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Suite Paradisiaque, le nouvel album de l'auteur finlandais Ville Ranta, vient de paraître en français chez Rackham (présentation sur le site de l'éditeur: ICI). Une occasion de mentionner son ouvrage L'exilé du Kalevala paru il y a deux ans chez Cà et Là (présentation sur le site de l'éditeur: ICI). Ce récit intelligent et touchant, au souffle romanesque et au noir et blanc dense et audacieux, met en scène le très beau personnage d'Elias Lönnrott. Ce médecin de campagne dans la Finlande du XIXième siècle tente désespérement d'y concilier son devoir (envers sa famille et ses patients) et ses aspirations à plus de liberté. A découvrir! [Philippe Vanderheyden]

jeudi 16 février 2012

Entretien Nørdix: kuš! (éditeur letton)

Avant de se voir décerner le Prix de la Bande Dessinée alternative au 39ième Festival d’Angoulême pour sa revue š! #09 : Female Secrets, la maison d’édition lettone kuš! aurait tout aussi bien pu rajouter un point d’interrogation à son nom. Au travers de cet entretien avec David Schilter et Sanita Muižniece, nous découvrirons le travail de pionniers mené par les éditeurs de cette série d’ouvrages collectifs de haute tenue lancée en 2007 dans un pays où la Bande Dessinée était alors inexistante.
Couvertures de diverses revues š!.
Nicolas Verstappen : Dans la présentation de votre maison d’édition, vous signalez que « l’objectif de k! est de développer la bande dessinée dans un pays où ce médium est pratiquement inexistant et de promouvoir les auteurs lettons à l’étranger. » Cette double démarche est-elle à l’origine de la création des deux types de revues que vous éditez ? Les revues š!, publiées en anglais, semblent destinées à une audience internationale tandis que les revues kuš!, principalement en letton, s’adresseraient à un lectorat local qui ne parlerait pas anglais ?

Kuš! : C’est un peu plus complexe… Nous avons démarré en 2007 avec la revue kuš! qui fut d’abord distribuée gratuitement. Suite à un manque de publicités pour assurer la gratuité, nous avons décidé de la vendre en kiosque après deux numéros. Du troisième au sixième volume, les revues kuš! furent donc vendues en letton en Lettonie. Jugeant notre collaboration trop peu rentable, l’unique distributeur en kiosque du pays décida alors d’interrompre notre collaboration. Notre projet sombra à l’été 2009. A l’automne de la même année, nous avons miraculeusement obtenu de l’argent et nous avons donc lancé la revue š! au format plus petit et en anglais. Le choix de la langue anglaise visait à être distribué au-delà des frontières lettones mais également à gagner du temps car nous ne devions plus traduire ni lettrer les participations étrangères. Les auteurs lettons sont évidemment toujours les bienvenus dans cette formule. Nous conservons leurs récits en letton et nous ajoutons simplement des sous-titres. Depuis 2009, nous travaillons donc presque exclusivement en anglais et cela nous a offert de nombreuses opportunités.
NV : Quelle fut l’impulsion qui vous donna l’envie de lancer une structure éditoriale dans un pays où la bande dessinée est pratiquement inexistante ?
K : kuš! a été lancé par un immigrant suisse en Lettonie. Il a grandi à Lucerne et allait régulièrement au Festival de Bande Dessinée Fumetto qui est organisé dans cette ville. Lorsqu’il s’est installé en Lettonie en 2006, il s’est aperçu de l’absence totale de bandes dessinées dans ce pays et a souhaité changer cela. Il faut savoir qu’il n’y a en effet aucune bande dessinée en Lettonie. Personne n’en publie. Il n’y a pas la moindre traduction de romans graphiques célèbres. Pour être exact, il y a cependant eu trois bandes dessinées lettones à la fin des années ‘80. Il s’agissait de récits pour enfants ayant pour sujet les contes populaires. Ils étaient tirés à 150.000 exemplaires. Au début des années ’90, une modeste anthologie de bande dessinée lettone baptisée Klips fut publiée à l’attention des jeunes. Depuis, seuls deux tomes des aventures de Tintin et d’Astérix furent traduits en letton. Et ce ne fut pas un franc succès… Il existe également une publication mensuelle de Mickey Mouse pour les enfants. D’autre part, une trentaine de magazines de caricatures ont été édités depuis les années ‘30. Ils étaient assez populaires mais le dernier de ces magazines a mis la clef sous la porte en 2011. A ce jour, nous sommes donc l’unique éditeur de bandes dessinées de Lettonie et il ne semble pas que cette situation change sous peu, notre marché étant des plus réduits.
NV : Après une occupation soviétique de près de 50 ans, la Lettonie redevient indépendante en 1991. Cette date marque-t-elle le début d’une importante transformation culturelle et d’un accès plus libre aux œuvres étrangères ?  
K : C’est un sujet capital qui donnerait lieu à des centaines de récits et de témoignages. D’une façon générale, regagner notre indépendance nous a donné l’opportunité de découvrir et de discuter de ce qui se passait au-delà du rideau de fer. L’accès aux cultures au-delà des frontières soviétiques durant la période d’occupation se faisait clandestinement dans le milieu « underground » ou était limité à certains individus. Seules quelques personnes parvenaient à savoir quels livres, films ou courants musicaux étaient populaires à l’Ouest. L’influence de ces œuvres apparaissait alors dans la culture lettone de manière déguisée. La culture soviétique était présentée comme le pendant positif de la culture occidentale décadente. Pour donner un exemple, les enfants en Union Soviétique ont grandi avec un dessin animé mettant en scène un chat et deux souris. Cela évoque évidemment la trame de célèbres dessins animés américains sauf qu’ici le chat était un pacifiste raffiné qui tentait d’inculquer la politesse et le respect des lois aux deux souris turbulentes. Il est vrai que vous pouviez vous procurer un ouvrage de Kurt Vonnegut par exemple mais il était si censuré et raccourci (comme de nombreuses autres œuvres) que sa lecture en était rendue rébarbative. Les années ’90 nous ont donc apportés énormément de choses. Malheureusement, l’absence de libertés et les bouleversements tragiques qui marquèrent le quotidien des citoyens donnèrent lieu à une idéalisation de tout ce qui venait de l’étranger, en commençant par le Coca-Cola, le McDonalds, les soap opéras et les ridicules publicités télévisées pour des poudres à lessiver.

Plusieurs membres de kuš! (Sabine Moore, David Schilter, Ingrida Picukane, Reinis Petersons et Martins Zutis) en visite à Helsinki.
NV : Sur le site de l’auteur letton Aivars Baranov, ce dernier présente un récit où il explique qu’il a découvert la Bande Dessinée au travers des œuvres de Daniel Clowes, Robert Crumb, Joe Sacco et Harvey Pekar. Ces ouvrages sont-ils disponibles dans les librairies lettones ?
K : Aivars a travaillé dans une poissonnerie industrielle en Ecosse il y a quelques années. C’est là qu’il a pu découvrir ces romans graphiques. Je crois qu’il n’y a qu’une seule librairie à Riga qui dispose d’une étagère dédiée à la Bande Dessinée. Elle se compose de quelques titres des éditions DC et les ouvrages les plus alternatifs du rayon doivent être les livres de Scott McCloud. Si vous cherchez des titres des éditions Fantagraphics ou Drawn & Quarterly, il vous faut les commander par internet ou les acheter lors de vos voyages à l’étranger. La plupart des auteurs lettons ne lisent donc pas de bandes dessinées du tout.    
NV : Vos revues ont régulièrement changés de format au fil des années. Était-ce dû à la volonté de trouver un format particulier qui vous satisferait et deviendrait le format « définitif » de vos revues ? Vos deux derniers ouvrages (les huitième et neuvième volumes de š!) semblent avoir trouvé une forme d’équilibre parfait entre la taille réduite de vos premières publications et la qualité des maquettes de vos plus grands formats.
K : Merci ! Le changement de format est principalement dû à des contraintes économiques mais parfois aussi à des expérimentations (comme le dépliant kuš! ou le kuš! 3x3). Les opinions divergent sur le nouveau format réduit de le revue š!; certains l’apprécient, d’autres pensent qu’il est trop petit. Quoi qu’il en soit, il semble que ce format soit le plus populaire. Il offre également d’importants avantages et nous songeons donc à le conserver pour les quatre nouveaux ouvrages que nous espérons publier en 2012.
NV : Quel est le tirage moyen de chacune de vos revues ? L’intérêt croissant pour votre travail en Lettonie et à l’étranger vous permet-il d’envisager une augmentation de ce tirage ?
K : Nos deux premiers numéros furent tirés à 8000 exemplaires et distribués gratuitement. Ils furent très bien reçus. Depuis que nous sommes passés à la vente, notre tirage varie entre 800 et 1600 exemplaires. L’intérêt en Lettonie reste limité à Riga car nous rencontrons de grandes difficultés de distribution en dehors de notre capitale. En Lettonie, nous ne sommes présents que dans sept librairies que nous approvisionnons personnellement. Nous ne pouvons nous appuyer sur aucun réseau de distribution. Nous parvenons cependant à monter des ateliers en dehors de Riga. L’été dernier, le département de l’éducation de Lettonie a invité deux auteurs français afin qu’ils participent à des ateliers destinés aux professeurs d’art dans différentes écoles du pays. L’intérêt pour la bande dessinée tend donc à croître. A l’étranger, les revues kuš! bénéficient peu à peu d’une plus grande attention. Nous vendons également nos titres en direct à des librairies partout en Europe et dans plusieurs librairies aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et au Brésil. Notre volume Female Secrets s’est relativement bien vendu sur notre boutique en ligne. Il nous est assez difficile de trouver de nouvelles librairies qui accepteraient de vendre nos revues mais, une fois que ces librairies ont accepté de prendre nos ouvrages, elles se font généralement un plaisir de nous en recommander. Nous recevons aussi de nombreuses invitations dans des festivals internationaux et il semble donc que notre travail suscite plus d’intérêt à l’étranger que dans notre propre pays.

Un article dans Diena, le plus important quotidien letton, fut récemment consacré  à kuš!. Sur la photo: Ruta Briede et Martins Zutis.
NV : Vos ouvrages bénéficient d’une aide de la Fondation des Fonds pour la Culture de l’Etat Letton (Latvian State Culture Capital Foundation). De quelle manière les institutions gouvernementales vous offrent-elles leur soutien ? Comment considèrent-elles la « Bande Dessinée » ?
K : La Fondation des Fonds pour la Culture de l’Etat Letton nous apporte son soutien de façon plus ou moins ponctuelle depuis deux ans. Nous sommes particulièrement chanceux d’en bénéficier car la Fondation a dû procéder à d’importantes coupes budgétaires suite à la crise financière. Notre problème est de ne pas pouvoir compter sur un soutien constant. Nous sommes contraints de soumettre une demande de financement pour chaque ouvrage. La Fondation semble aujourd’hui satisfaite par le résultat de notre démarche. Avant la crise, nous pouvions également compter sur le soutien financier du Département de la Culture de Riga. Au lancement de notre projet, aucune de ces deux institutions ne désiraient nous soutenir car ils considéraient la Bande Dessinée comme un produit commercial destiné principalement aux enfants. Nous sommes parvenus à leur faire changer d’avis en leur démontrant que la Bande Dessinée avait également une valeur artistique. Cela fut en partie facilité par le fait que les comités d’experts sont composés en majorité d’artistes et non pas de fonctionnaires de l’Etat. Nous avons également pu compter sur les bonnes relations que nous entretenons avec le Centre Letton d’Art contemporain et avec lequel nous avons organisé plusieurs expositions internationales de Bande Dessinée.
NV : Vos revues rassemblent des auteurs étrangers toujours plus nombreux. Ecrivez-vous directement aux auteurs que vous souhaitez voir participer à vos ouvrages ou les propositions de participation vous arrivent-elles spontanément ?    
K : Notre première revue réunissait uniquement des auteurs étrangers car nous n’étions pas parvenus à trouver un seul auteur de bande dessinée letton. Nous écrivons à de nombreux auteurs et nous en rencontrons d’autres sur des festivals. Dernièrement, un grand nombre d’auteurs se sont également mis à nous contacter spontanément. Il devient de plus en plus difficile de faire des choix tant il y a d’artistes talentueux. Nous lançons parfois un appel de participation sur divers réseaux sociaux. Chacun est libre d’y répondre et de proposer ses planches. Nous utiliserons ce procédé de manière plus mesurée désormais car nous avons reçus 97 soumissions de projets pour notre dernière revue réservée aux auteurs féminins. Cela nous a pris énormément de temps pour répondre à tout le monde et pour choisir de manière judicieuse parmi les diverses propositions. A l’heure actuelle, nous n’éprouvons aucune difficulté à réunir des récits de qualité. Nous restons cependant attentifs à l’éclosion de nouveaux talents !
NV : Votre huitième revue est un volume spécial consacré aux auteurs finlandais. Était-ce lié à une volonté de mettre en avant une parenté artistique entre vos deux pays ou à une opportunité spécifique ?
K : Nous adorons tout simplement les auteurs finlandais et leurs bandes dessinées ! Nous comptons des participations finlandaises dans presque toutes nos revues. Nous avons monté de nombreuses expositions d’auteurs finlandais à Riga et nous nous rendons chaque année au festival de bande dessinée d’Helsinki. L’Institut Finlandais de Riga s’est également montré de plus en plus entreprenant et nous a poussés à soumettre une demande à la Finnish Literature Exchange Funds afin d’être soutenus financièrement pour ce volume. Nous sommes très satisfaits par le résultat et nous espérons poursuivre cette collaboration dans l’avenir. En janvier, nous présenterons l’exposition Nordicomics à Riga et nous devrions aller à la pêche avec l’équipe de l’atelier Kuti Kuti durant l’été.
NV : Il existe un intérêt croissant pour les auteurs finlandais et, de manière plus large, pour la Bande Dessinée venue d’Europe du Nord. De nombreuses anthologies « nordiques » sont prévues en France et aux Etats-Unis cette année. Avez-vous le sentiment que nous découvrons tardivement un mouvement déjà bien installé et qui nous avait échappé ou que nous assistons à l’émergence d’un phénomène assez neuf?
K : Dans le cas des états baltes, le phénomène est très récent. Vous n’avez probablement rien raté d’important jusqu’à présent. Désormais, il faudra vous montrer plus attentif à ce qui se déroule ici ! En dehors de la Lettonie, les Estoniens posent les fondations d’un futur développement de la Bande Dessinée dans leur pays. Les choses bougent également en Lituanie où l’on assiste à l’émergence d’auteurs très intéressants. De son côté, la scène finlandaise publie depuis quelques années déjà des œuvres particulièrement novatrices. A nos yeux, il s’agit de l’une des scènes européennes les plus intéressantes du moment. Il faut la suivre avec attention. La Suède, la Norvège et le Danemark ne sont pas non plus en reste. Ces pays comptent nombre d’auteurs inspirés. J’ignore si l’on peut considérer la Pologne et la Russie comme des pays « nordiques ». Quoi qu’il en soit, il faut se préparer à y voir éclore des œuvres uniques !
NV : Pensez-vous que l’on pourrait déjà définir un style « letton » ou un trait spécifique à la Bande Dessinée telle qu’elle est envisagée dans votre pays ? Pourriez-vous nous présenter quelques auteurs locaux dont vous appréciez plus particulièrement le travail ?
K : Le trait letton pourrait être considéré au travers de son détachement à toute forme de tradition. Les auteurs lettons travaillent en dehors de toute contrainte car ils n’ont pas à se préoccuper de comparer leur travail à ce qui fut fait précédemment. La plupart d’entre eux n’y connaissent d’ailleurs pas grand-chose à la Bande Dessinée. Leur principale source d’influence reste à ce jour ce que nous publions dans les pages de nos revues. L’influence extérieure se fait cependant grandissante et j’espère que nous ne perdrons pas trop vite nos spécificités. Il me serait difficile de vous indiquer le travail d’un auteur en particulier plutôt que celui d’un autre. Aussi je préfère vous renvoyer à cette page qui réunit les liens des sites de tous les auteurs lettons que nous avons publiés à ce jour. Mon regard sur leur travail est biaisé et je serais donc curieux d’avoir votre point de vue extérieur et neutre sur la production de l’un ou l’autre de ces auteurs…

Planches de Ruta Briede dans le š! #09/ Female Secrets.
NV : Le travail de Rūta Briede me plaît particulièrement. Avez-vous déjà songé à réunir ses histoires courtes dans un recueil ou de publier des recueils ou des albums plus conséquents d’un même auteur ?
K : Rūta Briede travaille actuellement sur son premier roman graphique. Nous la suivons de près et aimerions éditer son livre lorsqu’elle l’aura terminé. Nous songeons également à publier des romans graphiques étrangers en letton. Comme aucun éditeur ne semble vouloir se lancer dans notre pays, je suppose que nous n’avons plus qu’à plonger dans cette immense brèche.
NV : En observant la liste des auteurs lettons qui participent à vos anthologies, j’ai noté un grand nombre de noms féminins. La Bande Dessinée franco-belge est longtemps restée aux mains d’éditeurs et d’auteurs masculins à destination d’un lectorat composé d’hommes et de garçons. Il aura fallu attendre plusieurs décennies avant que les femmes n’y trouvent leur place. Se pourrait-il que la grande proportion d’auteurs féminins en Lettonie soit liée au fait que la Bande Dessinée, au vu de son émergence récente dans votre pays, n’ait jamais été envisagée comme un médium plus spécifiquement « masculin »?
K : Votre explication sonne assez juste. Comme nous n’avons aucune « tradition » de la Bande Dessinée, ce médium est libre et ouvert à tous. Cette tendance est peut-être également plus globale. D’après ce que je peux observer en Allemagne par exemple, j’ai le sentiment que les jeunes auteurs les plus prometteurs semblent être proportionnellement et majoritairement des femmes.
NV : En faisant le tour des blogs et des sites des auteurs lettons, on peut aussi remarquer que leur production de bandes dessinées se fait conjointement à d’autres activités artistiques comme le design, la photographie ou la peinture. Cette première génération d’auteurs lettons est-elle issue des écoles d’art de votre pays ?
K : La plupart des auteurs lettons que nous publions sortent des écoles d’art ou y suivent encore des cours. Il n’existe cependant aucune section d’illustration et nos auteurs ont principalement suivi des formations de peinture, de graphisme, de scénographie ou, dans la grande majorité des cas, de communication visuelle. Presque tous ont également étudié quelques temps à l’étranger. Certains travaillent dans la publicité ou le graphisme et envisagent la bande dessinée comme une excellente distraction face à leur travail routinier et ennuyeux. D’autres œuvrent dans le cinéma d’animation et l’illustration de livres pour enfants. Nous sommes ravis qu’ils trouvent tous un peu de temps pour réaliser des planches de bande dessinée…
NV : Au début de cet entretien -entamé un mois avant le 39ième Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême-, vous nous expliquiez que le choix de publier vos revues en langue anglaise vous avait « offerts de nombreuses opportunités ». Le Jury du Prix de la Bande Dessinée alternative d'Angoulême confirme vos propos en décernant son "Fauve" à votre revue š! #09 : Female Secrets il y a quelques jours. Est-ce pour vous une forme de consécration?
 K: Remporter ce petit chat si mignon est en effet un immense honneur que nous ne nous attendions pas à recevoir. Il est d’autant plus agréable que nous remportons ce prix après des revues aussi importantes que Glömp, Canicola, Stripburger et tant d’autres. Nous envisageons ce prix comme une reconnaissance de notre travail et des bandes dessinées que nous publions mais également, et surtout, comme l’obligation de continuer à éditer les bandes dessinées que nous aimons et à conserver l’esprit qui anime kuš!. Nous espérons aussi que nos auteurs se réapproprieront l’honneur qui nous est fait.
NV : Pensez-vous que ce prix puisse avoir un impact concret sur la visibilité de votre revue ?
K : Il est encore tôt pour envisager l’effet qu’aura ce prix sur notre travail. Il ouvrira probablement des portes vers une distribution plus large et de nouvelles collaborations. Nous espérons qu’il contribuera à atteindre un public plus important en France où nous semblons encore pratiquement inconnus. Nous sommes déjà ravis de pouvoir enfin nous rendre au prochain Festival d’Angoulême et d’y présenter de nombreuses nouvelles revues !
 [Entretien réalisé par courrier électronique pour Nørdix entre le 29 décembre 2011 et le 1er février 2012]